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Chronique du 15 février

Le Barros Luco en mode dégradé

Où il se confirme que les grottes en bord de mer offrent plus de joies aux spéléologues que les camps d'altitude…

Quand le beau temps transfigure le Barros Luco
Quand le beau temps transfigure le Barros Luco

Samedi 9 février

Double jonction à Punta Blanca

Il y a deux jours, une précédente tentative d'accès à la cueva de la Punta Blanca s'était soldée par un demi-tour face à la houle violente dans le Barros Luco, combinée à un vent de face qui menaçait de retourner le canot pneumatique.

Laurence en route vers Punta Blanca
Laurence en route vers Punta Blanca

Ce 9 février, Natalia, Jean-Marc, Philippe, Michel et Serge tentent de nouveau leur chance, accompagnés d'un second canot en sécurité avec Laurent, Laurence et Denis à bord. Bien leur en a pris car le moteur de leur Bombard tombe en panne de puissance après quelques minutes de navigation dans la mer agitée. Ils changent de bateau, bénéficiant alors d'un moteur de 50 CV qui tourne comme une horloge. Équipés des combinaisons russes étanches, ils peuvent affronter les paquets de mer et rallier enfin, salés et iodés à souhait, le calme du seno de la Punta Blanca…

Serge à l'entrée de la grotte de la Chatière
Serge à l'entrée de la grotte de la Chatière

Leur objectif est de poursuivre l'exploration de la grotte de la Chatière où Arnaud et Sylvain ont réalisé début février la jonction avec les siphons de la résurgence Hongos. L'équipe se retrouve rapidement devant leur terminus : c'est une galerie qui communique de chaque côté avec un des siphons explorés par les plongeurs depuis la côte.

Des départs de galeries se présentent un peu partout, aussi l'équipe se disperse : Michel et Philippe vont lever la topographie du nouveau réseau, et feront cent mètres en première. Jean-Marc repère le départ d'une galerie qui débouche à 2 m de hauteur, puis rejoint Natalia et Serge, partis explorer un dédale de conduits. Ça part de tous les côtés, spacieux, ça monte et ça descend. Soudain, ils tombent sur un petit carton blanc marqué 56. C'est le point topo 56 de la vaste cavité voisine de Punta Blanca ! Ils confirment par des boyaux exondés la jonction réalisée en siphon par les plongeurs le 2 février ! Ils savourent dans le noir ce moment rare et précieux…

Laurence et Laurent se congratulent devant le point topo 56
Laurence et Laurent se congratulent devant le point topo 56

Mais l'exploration n'est pas terminée. Les topographes restant invisibles, le trio explore la galerie entrevue par Jean-Marc. Après deux vasques d'eau, ils découvrent une rivière cascadant dans un nouveau siphon au travers duquel on voit le fil d'Ariane des plongeurs… Cela continue par des galeries en conduites forcées imposantes où ils découvrent un nouveau point topo, deuxième jonction avec Punta Blanca !

Topo dans le réseau de Punta Blanca
Topo dans le réseau de Punta Blanca

Le réseau Punta Blanca/Chatière/Résurgence Hongos devient le plus grand réseau de Madre de Dios en développement, dépassant les 3,5 kilomètres…

Repérage secteur Petite Chinoise

Jérémie et Nicolas, Mowgli à la barre, filent vers la Petite Chinoise
Jérémie et Nicolas, Mowgli à la barre, filent vers la Petite Chinoise
Elles sont où ces résurgences
Elles sont où ces résurgences

Les plongeurs de février, Mowgli et Jérémie, accompagnés de Mehdi et des amis chiliens, Nicolas, Jaime, Catherine, décident de se consacrer à un secteur proche de la Petite Chinoise. C'est la seule résurgence plongée dans ce seno, elle s’ouvre non loin du réseau des Trois Entrées plus Une. Trois cours d'eau sont successivement remontés, sans arriver à une résurgence ou à des cavités. Les unes proviennent de confluences de circulations sur du grès ou des cascades venant d'altitude. Les autres sont bien cachées dans des éboulis.

Dimanche 10 février

La forêt enchantée

Pedro et Richard, très complices, discutent botanique devant un
Pedro et Richard, très complices, discutent botanique devant un "saucisse de tourbière"

L'équipe cinéma, constituée de Gilles, Yanick et Christian, part pour une journée complète de tournage sur la botanique, avec Richard et Pedro, accompagnés de Jaime et Jean-François Pernette. L'objectif est la fameuse forêt enchantée, qui avait émerveillé Jean-François et Richard en 2017. C'est une bande de forêt qui se développe dans des failles du calcaire, au contact du grès, sur le trajet de la montée au camp Sumidero.

Les grands hêtres inclinés, au tronc triplés voire quintuplés par des mousses et des lichens, composent un paysage étrange, mystérieux, qui assourdit les sons. Tout est détrempé. Le corps s'imbibe aussitôt qu'il vient au contact. Le pied avance sans certitude de trouver un sol ferme dans l’appui suivant, et d'ailleurs il n'y a rien de ferme ici : au mieux une épaisseur molle de mousses, au pire, un trou qui s'ouvre soudain…

Les Nothofagus couverts de mousses, pardon, d'hépatiques, dans la forêt enchantée
Les Nothofagus couverts de mousses, pardon, d'hépatiques, dans la forêt enchantée

Pedro nous révèle alors que ce que nous prenons pour des mousses sont en réalité des hépatiques. Pour résumer, les plantes se classent en trois familles : les bryophytes (mousses, hépatiques, etc), les fougères et les plantes à graines !

Rencontre magique avec une jeune chouette dans la forêt magellanique, aussi étonnée que nous
Rencontre magique avec une jeune chouette dans la forêt magellanique, aussi étonnée que nous

Quelques oiseaux téméraires, peu farouches, viennent piailler autour de notre groupe. Mais Jaime, notre vétérinaire naturaliste, a trouvé mieux : posés sur une branche de Nothofagus mort, deux yeux ronds le regardent. Des yeux noirs cerclés d'or. C'est une chouette qui va rester ainsi presque 30 minutes à regarder ces humains envahir pacifiquement son petit paradis. Rencontre inoubliable…

L'osier de Patagonie, dont les Kawesqar font leurs paniers, se développe dans les tourbières le long d'un rhyzome
L'osier de Patagonie, dont les Kawesqar font leurs paniers, se développe dans les tourbières le long d'un rhyzome
Le pain de sucre caractéristique de l'entrée du Barros Luco
Le pain de sucre caractéristique de l'entrée du Barros Luco

Retour sur les camps d'altitude

Le grand beau arrive sur les sommets
Le grand beau arrive sur les sommets

Les prévisions météo signalent un "grand beau" pour le 11 février. Pour en profiter, des équipes rejoignent les deux camps d'altitude. Car il faut en avoir le cœur net : cela va-t-il enfin "donner" sur les karsts d'altitude ?

Natalia, Jean-Marc et Katia approchent du camp Sumidero 2 lourdement chargés..
Natalia, Jean-Marc et Katia approchent du camp Sumidero 2 lourdement chargés..
L'approche du camp altitude 3 est brève, mais raide
L'approche du camp altitude 3 est brève, mais raide

Philippe, Michel, Denis, Carlos, Jérémie et Pilar rejoignent le camp "altitude 3" niché dans sa faille au-dessus de la grotte des Trois Entrées, tandis que Jean-Marc, Lionel, Yannick, Mehdi, Katia et Natalia se dirigent vers le camp Sumidero 2 avec pour mission d'explorer diverses cavités pointées par des équipes précédentes, et de plier le camp si rien ne donne. Ils perdent une heure à trouver le camp, si bien caché dans son écrin de forêt, et dont le point GPS est erroné…

Lundi 11 février

Seconde visioconférence avec les scolaires le 11 février
Seconde visioconférence avec les scolaires le 11 février

Fin de partie au Sumidero 2

Lapiaz du Sumidero 2, Lionel cherche un itinéraire sur les cartes du GPS Nautiz
Lapiaz du Sumidero 2, Lionel cherche un itinéraire sur les cartes du GPS Nautiz
A travers la forêt magellanique
A travers la forêt magellanique

Si, comme Natalia, vous grimpez au Sumidero 2 dans le seul but d'en prendre plein les yeux avec un paysage exceptionnel, c'est mission réussie !

Un lapiaz tourmenté et ses forêts magellaniques impénétrables..
Un lapiaz tourmenté et ses forêts magellaniques impénétrables..

La météo a tenu ses promesses. Sur ces hauteurs, aussi loin que porte la vue, on découvre un océan de roches tempétueux, figé dans son apparent désordre. Ce sont des massifs calcaires, faits de falaises dressées et de plateaux lapiazés que zèbrent de larges failles envahies de forêts, et de formation de grès. Un mélange complexe, fourré ici et là de bosquets d’une forêt magellanique dense que l'on devine impénétrable. Cette masse rocheuse descend vers le nord ; par les échancrures des senos on devine jusqu'au canal Trinidad.

Natalia et Lionel sur le karst du Sumidero 2
Natalia et Lionel sur le karst du Sumidero 2
"Poyo, poyo !" Allo la base ? les liaisons radios quotidiennes permettent au camp de base de s'assurer que tout va bien en altitude

"Une leçon de modestie, soupire Natalia, on se sent vraiment minuscule… C'est magnifique et un peu déprimant, car on sait qu'il faudra une prochaine expédition, sans doute en partant du Trinidad, pour atteindre ces massifs encore vierges et le grand lac qui s'y trouve."

L'équipe se convainc rapidement que le potentiel spéléo autour du camp Sumidero 2 est maintenant consommé. Les seules anecdotes de la quatrième équipe sur la zone concernent un champignon, un vrai, déniché par Lionel dans un bout de forêt, ou bien Katia qui, profitant du beau temps pour sécher ses vêtements, s'offre un bain de quelques secondes dans le petit lac…

Un champignon, plante rare ici
Un champignon, plante rare ici
Comment se diriger dans cet enfer de calcaire et de forêt magellanique..
Comment se diriger dans cet enfer de calcaire et de forêt magellanique..

Rentrés tôt au camp, ils savourent le luxe d'un apéro en terrasse, autour d'un petit feu de bois, et profitent de la douceur de la soirée…

Clairement, la zone est sans intérêt, il faut plier le camp.

Apéro en terrass
Apéro en terrass
Apéro en terrasse et petit feu de camp pour la dernière soirée du camp Sumidero 2
Apéro en terrasse et petit feu de camp pour la dernière soirée du camp Sumidero 2

"Moins cent" au camp Altitude 3

Très différent est le résultat du camp Altitude 3 implanté au milieu d'un lapiaz splendide, où les formes d'érosion surprennent les plus blasés d'entre nous.

L'équipe s'affaire autour du gouffre Paraiso Duche (le paradis des douches) qu'elle va descendre
L'équipe s'affaire autour du gouffre Paraiso Duche (le paradis des douches) qu'elle va descendre
Équipement du premier puits du Paraiso Duche
Équipement du premier puits du Paraiso Duche

Leur premier objectif est la cueva Paraiso Duche, située 150 mètres à vol d'oiseau du camp. Ce "gouffre du calcaire", dont l’exploration a débuté avec l’équipe précédente, est une grande faille barrant le lapiaz, laissant espérer par endroits que cela descend profond.

Jérémie
Jérémie
Denis
Denis

Le Paraiso Duche est une suite de trois puits successifs qui mènent Pilar et Jérémie à l'équipement suivis de Michel et Mehdi à la topographie, à la cote - 100 m. Arrêt sur pincement du puits bouché par des blocs. Mais, à la remontée, la découverte d'une lucarne relance l'espoir d'un puits parallèle… Ce sera pour demain.

Le premier puits du Paraiso Duchas
Le premier puits du Paraiso Duchas
Pilar
Pilar
Michel
Michel

Le beau temps a une conséquence paradoxale : les sources sur le lapiaz sont taries… Ils souffrent de la soif ! En Patagonie, où il pleut 10 mètres par an !

Mowgli admire le Barros Luco illuminé par le beau temps
Mowgli admire le Barros Luco illuminé par le beau temps

Topo à la Punta Blanca

Les premières et jonctions brillantes du 9 février n'ont pas toutes été topographiées dans la foulée. Serge, Laurence et Laurent consacrent quelques heures à lever la carte de ces galeries complexes et enchevêtrées. Pour le fun, ils ajoutent une séance photo. La topographie permet de repérer des départs latéraux à revenir explorer le lendemain. Le plus beau a été baptisé le "puits des Indiens", à cause des traces d'argile qui ornent leurs visages. Un puits de 4 m débouche en haut d'une conduite forcée où circule un violent courant d'air… de quoi rêver à de futures premières…

Laurence salue la beauté du Barros Luco depuis le porche de Punta Blanca
Laurence salue la beauté du Barros Luco depuis le porche de Punta Blanca

Ces six heures et demie sous terre se terminent au porche d'entrée par une séquence rêverie devant le Barros Luco sous le beau temps, à digresser sur les raisons qui les poussent, expédition après expédition, à revenir en Patagonie. La réponse est là, sous leurs yeux : c'est la beauté de ce milieu sauvage, protégé du monde moderne, qui se révèle dans la rudesse des premiers temps de l'humanité.

Le tour des sites archéologiques

C'est la journée idéale pour filmer les sites archéologiques découverts en 2006 dans le Barros Luco par Franck, Bernard et Luc-Henri. En effet, le camp de base en est séparé par le bras principal du Barros Luco, qui reçoit en ligne directe la houle du Pacifique. Aujourd’hui, le Bombard file sur une mer calme. À bord, Didier, notre archéologue, l'équipe cinéma (Gilles, Yanick, Christian, Luc-Henri), les deux jeunes Chiliens Catherine et Pedro, toujours à l'affût de nouveaux échantillons. Bernard est à la barre. À l'île Ramon nous poussons une reconnaissance dans une profonde échancrure, qui pourrait avoir servi d'abri aux Nomades de la Mer, mais seule une bande de dauphins facétieux vient bondir au plus près du canot…

Accompagnés par les dauphins dans le Barros Luc
Accompagnés par les dauphins dans le Barros Luc
Une des deux surface planes aménagée avec un muret dans la grotte archéo n°3 du Barros Luco
Une des deux surface planes aménagée avec un muret dans la grotte archéo n°3 du Barros Luco

La visite commence par la grotte archéologique n° 3 du Barros Luco, un abri-sous-roche triangulaire, ouvert dans une falaise schisteuse. En bas d'un sol qui suit le pendage de 45°, deux surfaces planes ont été aménagées par les hommes. La première présente quelques os d'otaries, vertèbres et côtes. La seconde dispose d'un petit muret pour rattraper la pente. Didier fait quelques observations, dont une couverture photographique pour produire une photogrammétrie 3D, que l'on versera avec nos observations au Ministère des Biens Nationaux.

Observation de la grotte sépulcrale n°1 du Barros Luco
Observation de la grotte sépulcrale n°1 du Barros Luco

La seconde étape est la grotte sépulcrale n° 1 du Barros Luco, située juste en face de la précédente, sur l'île Madre de Dios. C'est une petite grotte dans une barre calcaire, où des restes d'aménagements de blocs ont dégagé une surface d'environ 4 m2, riche en vestiges alimentaires (moules et patelles principalement, mais aussi un crâne de loutre) et en ossements humains, puisque nous y avions trouvé les restes d'au moins deux individus (crânes). Là encore Didier lève un plan sommaire qui sera enrichi après production de la photogrammétrie. Selon lui, il s'agit de réduction de sépulture, ou sépulture funéraire.

Vestige de baleine échouée en 2017
Vestige de baleine échouée en 2017

La journée se termine par le tour de l'île Ramon en Bombard, et un arrêt sur une plage où avait été repérée une baleine échouée et en décomposition en 2017. Deux ans plus tard, les vautours et autres charognards ont achevé leur travail, et les ossements de la baleine ont été un peu dispersés par les tempêtes.

Mardi 12 février

Dès le lendemain, le mauvais temps revient crescendo ; une tempête devrait sévir sur l'île dans quelques jours. L’équipe du Sumidero 2 revient, lourdement chargée : ils ont plié le camp et Lionel porte 37 kg… Vu les six kilomètres du tracé et les dénivellations, il y a de quoi bien arranger ses genoux.

Le camp Sumidero 2, protégé du vent dans son bosquet, va être démonté
Le camp Sumidero 2, protégé du vent dans son bosquet, va être démonté
Lionel et sa charge de 37 kilos..
Lionel et sa charge de 37 kilos..

Un entrelacs de galeries

À Punta Blanca, Serge, Laurent et Laurence ont très envie de descendre le puits des Indiens…

La grotte de Punta Blanca est typique des réseaux creusés dans les zones proches de la résurgence
La grotte de Punta Blanca est typique des réseaux creusés dans les zones proches de la résurgence

Bernard et Didier se joignent à eux, cela permettra de faire deux équipes. Vu le nombre des départs à explorer, ce n'est pas redondant ! Serge équipe le puits, Bernard un puits voisin. "Je vois ta lumière !" crie Serge à Bernard qui est déjà en bas du sien et qui recoupe le puits des Indiens. "Je vois un point topo, répond Bernard, ce n'est pas de la première !" Grosse déception… Vers le bas, une galerie descend vers un siphon, avec un fil d'Ariane arraché, il y a d'autres départs. Typique des réseaux ennoyés à proximité d'une résurgence, cette grotte est un véritable entrelacs de galeries qui se recoupent, divergent, s'anastomosent… et jonctionnent encore avec des parties déjà connues. Décidément, cette grotte ne se terminera jamais…

Laurence admire des concrétions développées à l'horizontales, témoins du courant d'air violent dans cette grotte
Laurence admire des concrétions développées à l'horizontales, témoins du courant d'air violent dans cette grotte

Record de profondeur au camp Altitude 3

Denis et Pilar foncent au Paraiso Duche jeter un œil à cette lucarne prometteuse. Bingo, un puits continue, et ça repart dans les puits… Hélas, vers la cote -150 m tous les réseaux parallèles stoppent sur des éboulis qui ferment la base des puits. C'est la plus profonde cavité explorée pour l'instant.

De leur côté, Michel, Jérémie et Philippe font le tour de la Pissotière, dont la toponymie se passe de commentaire. Heureusement, la pluie revenue a rincé tout ça… Arrêt vers 35 mètres de profondeur sur gros éboulis de 10 x 4 m, qui bouche la suite.

Il reste un gros puits estimé à 60 mètres à la disposition des prochains visiteurs, car demain, il faut redescendre au camp de base, sous la tempête naissante.

Rien de tel qu'une conserve en direct du Sud-Ouest pour apprécier la vie de camp d'altitude
Rien de tel qu'une conserve en direct du Sud-Ouest pour apprécier la vie de camp d'altitude

Mercredi 13 février

Denis s'équipe
Denis s'équipe "en étanche" pour affronter les cascades du Paradis des Douches

Il pleut. Vous pouvez nous croire, quand on écrit "journée pluvieuse" dans le journal de bord, c'est qu'il pleut vraiment. On ne fait pas semblant en Patagonie. Des rafales à 110 km/h sont annoncées dans les deux prochains jours, alors on range le camp, on brûle les poubelles, on coupe et rentre du bois ; les inventaires, les journaux de bord sont écrits, les topographies mises au net, les photos triées et déposées sur le disque du serveur du réseau Ethernet de la cabane. Oui, on a un réseau Ethernet !!! Et même Internet, grâce à la station satellite Marlink.

La station satellite Marlink nous contacte au reste du monde..
La station satellite Marlink nous contacte au reste du monde..

Parfois, la vie à la cabane ressemble au bureau. Sauf que, par la fenêtre de la cuisine, la vue donne sur le Barros Luco, toujours superbe, que ce soit sous la pluie, la tempête, ou le soleil.

Portage retour du camp altitude 3
Portage retour du camp altitude 3

Au camp Altitude 3, après une ultime séance topo, la cueva Caliza 2 est déséquipée. En fin de journée, tandis qu'à la cabane on allait se mettre à table, débarque une équipe de zombies trempés et souriants.

Jeudi 14 février

Le grand cirque

Le grand cirque se termine par un contact calcaire-grès en plan incliné de 45°, le long duquel Richard espère atteindre le karst d'altitude
Le grand cirque se termine par un contact calcaire-grès en plan incliné de 45°, le long duquel Richard espère atteindre le karst d'altitude

Depuis plusieurs jours déjà, Bernard a décidé de limiter les consommations d’essences au maximum, si chère et si indispensable pour faire tourner nos Bombards comme le groupe électrogène du camp de base. Si l’on veut tenir jusqu’au 25 février, date d’arrivée estimée des bateaux de repli, il convient de respecter ces consignes. Du coup, Bernard a revu ses plans ; le secteur Punta Blanca va devoir être abandonné prématurément au profit de secteurs plus proches. L'un d'eux est un coin tout proche de notre campement de base, le Grand Cirque, où, en 2017, Richard et Jean-François Pernette étaient partis à l'assaut du calcaire. Ils avaient dû rebrousser chemin faute de cordes. En ces temps de météo exécrable, le Grand Cirque est un objectif doublement rêvé, car il est accessible depuis le camp de base, par une courte navigation à l'abri des vents fous.

La grande dépression vue du col menant au Sumidero
La grande dépression vue du col menant au Sumidero

Ce 14 février, Richard, Jean-François, Lionel et Luc-Henri, s'y rendent. Le Bombard est chargé à bloc, optimisation de l'essence oblige ! Ils déposent dans l'anse précédente Mehdi, Jérémie et Didier qui vont tenter un autre itinéraire, et l'équipe des Chiliens, filmés par Christian qui a troqué son micro pour une GoPro, composée de Catherine, Pedro et Nicolas, censés faire des prélèvements dans leurs domaines de recherche en bas du Grand Cirque.

C'est un lieu incroyable. Déjà en 2008 nous y avions pêché des poissons d'eau douce dans les rivières, et le biologiste de l'époque, Marc Pouilly, y avait trouvé des espèces nouvelles. C'est une reculée profonde, au fond d'un seno bordé de hautes falaises verticales à l'ouest et au nord, tandis que le flanc sud est en grès. Le contact entre les deux roches se fait par une rampe inclinée à 45° qui grimpe sur 330 m de dénivelé, et que Richard regarde d'un air gourmand. C'est par là qu'il espère rejoindre le karst d'altitude…

L’accès est délicat. La pente est un éboulis géant instable. Les blocs glissent sous les pieds. Ne pas décrocher le moindre bloc si des copains progressent dessous ! Deux heures plus tard, mission accomplie. Ils arrivent à une sorte de col, d'où la vue porte sur les lapiaz.

Au terminus, Lionel s'offre une petite première dans une perte, tandis que de tout petits oiseaux pas timides du tout, des Rayadito, piaillent en voletant autour des intrus…

Le grand cirque bis

Grand cirque bis : perdus dans la forêt magellanique
Grand cirque bis : perdus dans la forêt magellanique

De leur côté, Jérémie, Didier et Mehdi, une fois déposés par le Bombard dans leur crique, attaquent la pente "azimut sanglier" selon une expression chère à notre ami José, vers un itinéraire bis en vue de tenter d’atteindre les calcaires. Parvenus au premier col, ils constatent que cela est tout simplement sans espoir. Pris de remords, ils essayent au moins d'atteindre une grande doline d'effondrement qu’ils dominent, mais la difficile progression dans la forêt primaire aura raison de leurs efforts. Là encore, il faudra revenir.

Vendredi 15 février

Portage au Grand Cirque

L'accès au Grand cirque ouvert, il est décidé en briefing, d'y installer un camp dès que sera passée la tempête, soit à partir de lundi. Natalia, Katia, Jaime, Nicolas et Denis effectuent un premier portage ce vendredi, entre deux rafales de vent et trois averses plombées. Comme l'accès a été balisé et équipé de cordes fixes sur les parties les plus raides, cela leur semble un parcours de parc aventure... Cinq sacs avec des tentes, des bâches, de la nourriture pour trois jours à six personnes, ainsi que 150 m de corde spéléo et du matos à spit sont donc posés à proximité du col.

Dans quelques jours, l'exploration de ce karst d'altitude va enfin commencer...

Il est temps. Dans 10 jours exactement les trois bateaux de pêche devraient arriver au camp pour débuter le chargement de notre barda puis prendre le large vers la civilisation...

Sur le chemin du retour, l'équipe embarque dans son Bombard, mais le système de relevage assisté du moteur hors-bord tombe en panne, et le moteur reste en l'air malgré tous les efforts de Denis... La radio avec le camp ne passe pas. Ils essayent d'avancer à la pagaie, mais le vent les déporte ! Natalia et Katia tentent donc de s'enfoncer dans la forêt pour prendre de la hauteur, espérant un contact radio avec le camp de base. Sans effet… Ils se voient déjà dormir sur place... Ils essayent de faire du feu, mais tout est détrempé.

Enfin, miracle, la radio passe ! Une demi-heure plus tard, un Bombard arrive en secours et ramène tout le monde à la base...

Déséquipement de la Chatière, dernière séquence à Punta Blanca

Dans la Chatière le niveau de l'eau a remonté d'un mètre, la rubalise en noyée
Dans la Chatière le niveau de l'eau a remonté d'un mètre, la rubalise en noyée

Lionel et Mehdi font équipe pour terminer l'exploration de la grotte de la Chatière, où il reste quelques lucarnes à voir, puis la déséquiper. De leur côté, Yanick, Bertrand, Laurence, Sergio, Laurent et Bernard sont également de la partie, pour tourner quelques séquences de film sur Punta Blanca. La tempête est déjà bien engagée à leur départ, et la navigation est particulièrement mouvementée. Aujourd’hui, Punta Blanca est clairement en crue, le niveau des siphons est monté de plusieurs mètres, les courants d’air sont particulièrement violents. Vers 21 h 30, l’équipe est sur le retour. C'en est fini pour cette année de Punta Blanca….

Dans les heures à suivre, la tempête a pris toute sa place, elle s'abat sur la cabane, qui vibre, tremble, mais ne rompt pas. Sacrée cabane !

Un colibri s'est perdu momentanément dans la cabane
Un colibri s'est perdu momentanément dans la cabane

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